Plan égalité filles/garçons – En Jeux d’Enfance

La Scic En Jeux d’enfance, gestionnaire de crèches et de relais parents-assistant.es maternel.les, met en place un plan d’action autour de l’égalité filles/garçons et la mixité professionnelle sur l’année 2018. Ce plan constitué de plusieurs étapes d’axes formations et observations de terrain, a pour objectif de réfléchir aux pratiques professionnelles de chacun et leur impact sur le renforcement des stéréotypes de genre dans un contexte de secteur extrêmement féminisé.

Le contexte de l’égalité dans la petite enfance

Le texte-cadre national pour l’accueil du jeune enfant de mars 2017, découlant du rapport de Sylviane Giampino, définit le cadre commun, les principes et les valeurs essentielles que partagent les professionnel.le.s de l’accueil du jeune enfant. Parmi les dix grands principes définis pour grandir en toute confiance, la lutte contre les stéréotypes sexistes dès la prime enfance est un enjeu essentiel. « Fille ou garçon, j’ai besoin qu’on me valorise pour mes qualités personnelles, en dehors de tout stéréotype. Il en va de même pour les professionnel.le.s qui m’accompagnent. C’est aussi grâce à ces femmes et ces hommes que je construis mon identité. »

Les jeunes enfants observent celles et ceux qui prennent soin d’eux. Ils voient aujourd’hui l’omniprésence des femmes dans les modes d’accueil. Il existe par ailleurs une asymétrie des attitudes professionnelles dans les soins, jeux et activités entre les deux sexes. Les enfants remarquent qu’on les considère différemment selon qu’ils sont une petite fille ou un petit garçon. Ainsi, ils intériorisent très tôt les stéréotypes de genre et la division sexuée des rôles sociaux.

Les enfants ont besoin d’être valorisés pour leurs compétences personnelles et non en fonction des rôles habituellement attribués à chaque genre. Il est nécessaire de veiller à ce que les petites filles et les petits garçons soient encouragé.e.s de la même manière à aller vers les activités qui suscitent leur intérêt, sans être freiné.e.s dans leur développement. L’observation et le questionnement des attitudes de socialisation différenciée des filles et des garçons sont intégrés à la formation des professionnel.le.s.

L’attention des professionnel.le.s à ne pas transmettre de manière précoce des stéréotypes de comportement liés au sexe de l’enfant va de pair avec l’accompagnement de la prise de conscience des jeunes enfants de leur identité de petite fille et de petit garçon et la fierté qu’ils en tirent.

La mixité des personnels dans l’accueil, l’éducation et le soin des enfants quel que soit leur âge est un facteur d’égalité entre les deux sexes, car elle offre aux enfants des modèles et des relations socialement plus riches dans un monde constitué d’hommes et de femmes. Elle doit être encouragée à tous niveaux, dans l’orientation scolaire et professionnelle, la formation, le recrutement.

Ainsi, le plan d’action pour la petite enfance du ministère des familles, de l’enfance et des droits des femmes de décembre 2016 décline seize axes d’action dont :

  • Renforcer l’égalité des filles et des garçons dès le plus jeune âge (axe 2-2)
  • Accroître l’offre de formation des professionnel.le.s de la petite enfance (axe 3-2)
  • Accroître la mixité dans les métiers de la petite enfance (axe 3-4)

C’est dans ce contexte que s’inscrit notre démarche de développer un plan d’action en faveur de l’égalité filles/garçons au sein d’En Jeux d’Enfance qui vise à travailler notre action quotidienne auprès des enfants ainsi que le développement de la mixité dans nos métiers.

Pourquoi ce plan ?

Les stéréotypes générateurs d’inégalités                                    

Les études montrent qu’avant même sa naissance un enfant, qu’il soit fille ou garçon, est exposé à des comportements différenciés de la part de son entourage. Il existe encore peu d’actions de sensibilisation et/ou de formation à l’égalité auprès des professionnel-le-s de la petite enfance en France (alors que c’est le cas au Québec, en Suisse et en Belgique).

L’éducation des enfants de moins de trois ans n’a pas de programme spécifique au niveau national. Il est donc primordial de promouvoir localement des projets innovants d’éducation et de formation à une démarche égalitaire, en corrigeant les préjugés ou les stéréotypes attachés à chaque sexe. Ces derniers peuvent en effet être responsables des difficultés d’épanouissement, d’orientation ou l’insertion, qui restent inégalitaires à  ce jour pour les filles et les garçons.

Comme le démontre le rapport de l’IGAS (Inspection Générale des Affaires Sociales) sur l’égalité entre les filles et les garçons dans les modes d’accueil de la petite enfance réalisé par Brigitte Gresy et Philippe Georges, les stéréotypes garçons-filles ont la vie dure et débutent dès les premières années de la vie. Ce rapport préconise de « sensibiliser l’ensemble des professionnel-le-s à la question de la socialisation sexuée des petits enfants » à travers la démarche « PASS-AGE » en lançant des expériences dans des crèches pilotes.

Notre objectif principal est de favoriser le bien-être et la confiance en soi des enfants.

En effet, les stéréotypes sexués limitent le développement et la créativité des enfants. Leur imposer des modèles de conduite bloque leur imagination et leur spontanéité, nuit à leur bien-être dans la mesure où ils réduisent leur estime de soi et limitent leur ambition.

De plus, ces stéréotypes participent aussi à expliquer la persistance des inégalités entre femmes et hommes. Soucieux d’offrir les mêmes chances de développement aux filles comme aux garçons afin de contribuer à leur épanouissement, En Jeux d’Enfance forme les professionnel-le-s de la petite enfance dans leurs démarches en faveur de l’égalité filles-garçons.

Les stéréotypes, c’est pas moi, c’est les autres !

« C’est papa qui t’a coiffée ce matin ? »

«Vous direz à votre femme qu’il n’y a plus de lait.»

 

 

 

Les hommes dans la petite enfance (d’après Mike Marchal[1])

Certes les hommes peuvent avoir des bénéfices secondaires à être en situation de minorité dans un établissement mais ils peuvent aussi être confrontés à des discriminations sexistes réelles lors du choix du métier, lors des processus de sélection, en stage lors de la formation et en situation professionnelle. Comme pour les femmes et en reprenant les catégories utilisées par Brigitte Grésy[2] dans son rapport remis en mars 2015[3], le sexisme peut prendre une forme « hostile » ou plus subtil  » ambivalente  » ou  » bienveillante  ». «  Déni de légitimité et absence de reconnaissance entraînant un manque de confiance en soi d’un côté, mise à l’épreuve de l’autre  » ces termes sont pertinents dans les situations inversées des hommes en minorité dans un univers de femmes.

Les formes de ce sexisme hostile sont par exemple le scepticisme d’un jury de faire entrer un candidat en formation sur le simple fait qu’il s’agit d’un homme, sur l’étonnement de voir arriver un stagiaire homme par une directrice de crèche qui lui exprime son incompréhension à sa présence. Il peut s’agir aussi de parents qui expriment leur méfiance et demande explicitement une distance entre leur enfant et le professionnel, voire retirent leur enfant de la crèche.

Le sexisme bienveillant s’appuie sur une conception de la complémentarité naturelle entre les sexes et débouche sur des attentes professionnelles stéréotypées. Cela s’exprime par exemple par le fait d’attribuer des qualités et activités dites masculines aux professionnels en les déchargeant des soins aux enfants, « ce n’est pas le rôle d’un homme » ou “flatter“ le professionnel sur ses « capacités dites masculines » à « faire autorité » auprès des enfants, à « apaiser ou réguler» un collectif de femmes par exemple.

Notre rôle consiste donc également à développer une politique volontariste axée sur l’accueil des professionnels hommes sans stéréotypes de genre.

Plusieurs pistes de réflexion ont émergé :

  • La question d’un besoin de reconnaissance des professionnel.le.s et d’une revalorisation des représentations liées à ce travail auprès des tout-petits.
  • La question des émotions en jeu dans le travail, notamment dans les rapports entre collègues et dans la relation hiérarchique.
  • les questions de culture, des différences culturelles qui mettent en présence des professionnel.le.s avec des modèles différents et des représentations plus ou moins traditionnelles des rôles et des rapports entre les femmes et les hommes.

L’organisation du plan égalité à En Jeux d’Enfance

Ce plan a pour objectifs de permettre aux professionnel.le.s :

  • de repérer les inégalités filles-garçons dans l’organisation et le fonctionnement de la crèche ;
  • de déconstruire les stéréotypes de genre dans la pédagogie, notamment dans les jouets et les illustrations ;
  • d’agir pour un développement équitable des filles comme des garçons :
  • en étant attentif à leur potentiel de manière à développer leurs capacités et ne pas les limiter dans leurs choix,
  • en répondant à leurs demandes et à leurs besoins par la diversification des activités.
  • de questionner la place des pères et des mères dans les structures…La question de l’implication des pères dans les établissements d’accueil
  • d’interroger la relation des hommes et des femmes dans les équipes: les attentes envers un homme qui rejoint une équipe ; le travail avec deux hommes ou plus dans une équipe.

Pour cela nous nous sommes rapprochés d’un organisme de formation « Intiatives Formation » qui a accepté de suivre dans cette démarche un peu particulière.

La première étape doit nous permettre d’établir recherche de terrain afin de travailler sur des éléments concrets observés dans les EAJE. Un sociologue a réalisé des périodes d’observation dans cinq établissements différents sur des temps de deux à trois heures. Elle a ciblé ses observations autour de l’aménagement de l’espace, des interactions filles-garçons entre eux, des choix de jeux et activités, la manière dont on s’adresse aux enfants et à leurs parents en fonction du sexe.

A partir de ses retours, nous organisons en octobre une journée pédagogique commune à toutes les structures lors de laquelle sera évoqué ce diagnostic de terrain. Lors de cette journée placée sous le signe de la convivialité et la cohésion de groupe, une conférence-échange sera organisée et animée par un duo femme-homme, Mme Eon,  sociologue du genre à l’Université de Rennes et Mike Marchal, président de l’Association pour la mixité et l’Egalité dans la petite enfance.

L’après-midi des ateliers participatifs seront organisés sur des pratiques en lien avec la  thématique :

  • Les jouets, les jeux, les livres, les activités
  • La communication avec les enfants
  • La communication avec les parents
  • L’aménagement de l’espace

Enfin, le plan se poursuit par l’organisation d’une formation de trois jours pour les responsables de crèches et les animateurs.trices des RPAM autour de la compréhension du processus de transmission des préjugés et comment agir sur le terrain.

L’objectif de ce plan n’est pas d’imposer un point de vue ou des pratiques mais d’avancer ensemble (parents et professionnels)  vers une réflexion sur nos habitudes quotidiennes et de nous interroger sur des questions concrètes qui incitent à provoquer des changements, trouver des solutions au quotidien respectueuses de chacun et développer des pratiques citoyennes.

[1] Formateur et consultant, président de l’Association pour l’égalité et la mixité dans la petite enfance (AMEPE) https://amepe.net/groupe-dechanges-et-de-soutien-support-group-and-discussion/

[2] http://haut-conseil-egalite.gouv.fr/hcefh/composition/article/mme-brigitte-gresy

[3] GRESY Brigitte, Le sexisme dans le monde du travail : Entre déni et réalité, Conseil Supérieur de l’égalité Professionnelle http://femmes.gouv.fr/wp-content/uploads/2015/03/RAPPORT-CSEP-V7BAT.pdf